Ce qu'il faut retenir :
- La valériane est utilisée depuis la nuit des temps pour ses vertus sédatives
- Les troubles du sommeil touchent de plus en plus de Français
- Les Nutraceutiques à base de valériane et visant le sommeil pourraient représenter un véritable enjeu de santé publique et économique
Qu’on lui attribue des origines la qualifiant de forte et courageuse (du latin valere) ou géographiques relatives à une province romaine, la Hongrie actuelle (du latin Valeria), au commencement la valériane a bénéficié du support de deux influenceurs majeurs. Et non des moindres : Hippocrate, considéré comme le père de la médecine, au Vème avant Jésus-Christ, puis au IIème siècle Galien, lui, père de la Pharmacie. Ils ont tous deux recommandé la consommation de valériane pour traiter les insomnies (1).
Les effets sédatifs et anxiolytiques que l’on attribue à cette plante herbacée vivace qu’est la valériane (Valeriana officinalis L.) ne viennent donc pas de nulle part. Pour preuve, le recensement de ses usages au fil des siècles se démarque tant par l’aspect quantitatif que par la diversité des utilisations faites. Un véritable « guérit-tout », une dérive de son usage même qui lui a valu d’être « l’herbe de tous les maux ».
Pourtant ses deux « pères » avaient vu juste en ciblant les troubles du sommeil, et c’est d’ailleurs aujourd’hui sur cette même cible que la valériane pourrait aider efficacement cette part de la population stressée qui dort mal (en plein essor), et au-delà un système de santé qui souffre.
La valériane pour combattre le stress
Rien que sur les trois dernières années, le stress a progressé de 38 % en France (2). Dernièrement, c’est plus d’un Français sur deux qui se dit davantage stressé depuis le début de la crise sanitaire (3). La tension monte ! Conséquence, les Français dorment de plus en plus mal : 42 % ont constaté une dégradation de la qualité de leur sommeil (3). En cause la COVID-19, sûrement, mais pas que.
De tous temps, différents facteurs de stress ont affecté les hommes et leur sommeil : difficulté à l’endormissement, réveils nocturnes… et force est de constater que la valériane n’était jamais bien loin. Il faudra attendre quand même plus de 150 ans, après Galien, pour que l’usage de la valériane retrouve ses lettres de noblesse, son utilisation pour ses propriétés neurologiques.
En 1592, un botaniste et médecin italien Fabio Colonna se déclare guéri de l’épilepsie grâce à la valériane, atténuant les symptômes de la maladie (4). Les soldats de Napoléon, en disette de quinine (contre le paludisme) ont pris comme substitutif la valériane pour lutter contre la fièvre (5). Ce qui, à en croire les utilisations qui ont suivi, a dû également contribuer à combattre leur nervosité par la même occasion. En effet, durant la première guerre mondiale et la seconde, la valériane aidait les soldats à gérer leur stress durant les combats et les bombardements, ciblant leurs traumatismes nerveux (1, 6).
Comment la valériane agit-elle sur le sommeil ?
La racine est la partie utilisée de la plante pour obtenir les propriétés sédatives recherchées. A ce niveau, deux molécules sont impliquées : les sesquiterpènes (la valérénone et l’acide valérénique) et les iridoïdes, des monoterpènes. Ces derniers sont moins mis en avant car facilement dégradés et mal absorbés par l’organisme.
C’est au niveau du système du GABA (acide gamma-aminobutyrique, neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central (7)) que tout se jouerait. Le GABA est la cible thérapeutique des Benzodiazépines, cette famille de molécules anxiolytiques, anticonvulsivantes, anti-épileptiques et hypnotiques. Et notre valériane dans tout ça ? Elle (plus précisément l’acide valérénique) agirait au niveau des récepteurs GABA-A et des récepteurs barbituriques (8), et augmenterait la libération de GABA dans la fente synaptique du neurone et limiterait son recaptage (9), expliquant ses effets sédatifs et leur modulation.
Des « pères » convaincus, un mécanisme d’action élucidé et avant tout un historique d’utilisation qui parle de lui-même. Sans surprise, les feux sont au vert pour la valériane. L’Agence européenne du médicament (EMA) considère comme « scientifiquement bien établi » l’usage de la valériane pour « soulager la tension nerveuse légère et les troubles du sommeil ».
De son côté, l’OMS la voit comme « un sédatif léger capable de favoriser le sommeil » et le ministère de la santé allemand en reconnaît l’usage dans les cas « d’agitation et de problèmes d’endormissement liés à la nervosité ». En Europe, la coordination scientifique européenne en phytothérapie (ESCOP) admet son administration pour « soulager les tensions nerveuses modérées et temporaires et/ou les problèmes d’endormissement », tandis qu’outre-Atlantique, les instituts nationaux de la santé américains (NIH) confirment son utilisation contre les troubles du sommeil.
Prévenir pour moins guérir (et moins dépenser)
Une cible qui ne cesse d’augmenter, un faisceau de preuves scientifiques reconnues par les autorités compétentes, il n’en faut pas plus pour se lancer !
Pour compléter le tableau, les chiffres parlent d’eux-mêmes : presqu’un quart de la population active dort mal, et grâce à une supplémentation en valériane, 98 500 cas aurait pu être évités en 2019, soit une économie de 254,8 millions d’euros (consultations, médicaments, perte de productivité et revenus).
Il n’est jamais trop tard ! Et les projections en 2040 de cette étude médico-économique (10) confortent ce constat : les compléments alimentaires à base de valériane permettraient de réduire de 117 400 le nombre de cas de personnes souffrant de troubles du sommeil, et d’amputer ainsi la facture de la sécurité sociale de plus de 415 millions d’euros. De quoi se pencher sérieusement sur le sujet et dormir sur ses deux oreilles…
Publications
(1) Guide Phytosanté
(2) Fondation Ramsay, Observatoire du stress
(3) Sondage Harris Interactive pour Synadiet, novembre 2020
(4) F. Hoeffer, 1872
(5) A. Yersin and coll., 1995
(6) B. Bonnemain, « L’industrie pharmaceutique pendant la Deuxième Guerre mondiale en France. Enjeux et évolution », Revue d’histoire de la pharmacie, 2002
(7) Duman RS, Sanacora G, Krystal JH. Altered Connectivity in Depression: GABA and Glutamate Neurotransmitter Deficits and Reversal by Novel Treatments. Neuron. 2019 Apr 3;102(1):75-90.
(8) Mennini T, Bernasconi P, Bombardelli E et al.(1993) -In vitro study on the interaction ofextracts and pure compounds from Valeriana officinalis roots with GABA,benzodiazepine and barbiturate receptors in rat brain. Fitoterapia, volume 64, pages 291-300
(9) Ortiz J-G., Nieves-Natal J, ChavezP. (1999) -Effects of Valeriana officinalis extracts onflunitrazepam binding, synaptosomal GABA uptake, and hippocampalGABA release.NeurochemisteryResearch, volume24, pages 1373-1378
(10) Frost & Sullivan, “Health benefits and productivity gains derived from the use of valerian preparations for managing insomnia and sleep disorders”, Market Insight, 2019
Photographie : Grégory Pappas